Lundi 3 novembre

Moi qui aime par dessus tout la solitude et l'oisiveté, je vais me retrouver d'ici peu en pleine activité. Je profite de ces précieux instants qu'il me reste.

mardi 4 novembre

Hier, je me trouvais dans un campus universitaire. Je regardais le vent pousser les feuilles sur la pelouse tout en écoutant vaguement les conversations d'un groupe d'étudiantes près du distributeur. Et je pensais que nous devions être plusieurs à ne plus voir ce genre d'endroit de la même manière, après Elephant.

mercredi 5 novembre

Ce matin, à 5h42, le site du GFIV a été visité par le ministère de l'Intérieur. Je tiens à affirmer ici que nous n'avons aucunement l'intention de disparaître sans laisser de traces !

jeudi 6 novembre

On peut prendre ça comme on veut, novembre est toujours une sorte de tunnel - avec un splendide tapis de feuilles jaunes.

vendredi 7 novembre

J'ai un gros travail intellectuel qui m'attend. Je sais que ce genre d'entreprise peut s'avérer assez prenante. Alors là, je tourne autour. Je savoure à la fois la fin d'une période oisive et l'approche des journées studieuses.

samedi 8 novembre

D'un côté, nous vivons sous la dictature de la pensée rationnelle, technicienne, et d'un autre côté, nous sommes victimes d'une falsification de la langue qui vise à désamorcer l'articulation d'une pensée conceptuelle logique. L'exemple type de falsification est le "débat participatif" bidon. Cette opération est devenu une figure obligée dans la conduite du pouvoir. Elle est menée avec cynisme, afin que ceux qui s'y engagent ne puissent pas réellement croire en une sorte d'agora, où les questions seraient en débat. Non, pas de risque de se laisser illusionner. Vous devez faire semblant d'y croire, feindre de participer, tout en intégrant bien le fait que les décisions sont déjà prises.

dimanche 9 novembre

Mais pourquoi cette irritation ? Et comment trouver le calme ? J'ai une piste plein air (ramassage des feuilles).

lundi 10 novembre

Je viens de voir passer un message (sur Nettime) où quelqu'un se déclare en grève de l'art. J'aime assez cette idée. Je reconduisais le mouvement, dans mon coin, depuis déjà un certain temps.

mardi 11 novembre

Authentique ! Hier, il y avait une grève à la librairie Flammarion 4 de Beaubourg. Les vendeuses réclamaient le treizième mois. J'ai vu un mec, en costard gris, fusiller du regard avec insistance les grévistes installées à l'entrée. Les vendeuses buvaient du café en rigolant pendant que le regard du type (un petit chef psycho-rigide ordinaire) les toisait de la tête aux pied comme s'il avait pu les désintégrer sur place. Cela aurait pu être une performance, le lieu y prêtait. Il est où, l'artiste contemporain qui peut faire aussi fort que cette scène (avec en arrière-plan, les rayons de livres, les cartes postales pour touristes, les posters pour bobos - tout cela dégoulinant d'art) ?

mercredi 12 novembre

Chaleureux, extrêmement généreux : c'est ainsi que parlent de Bourdieu ceux qui l'on vraiment connu. C'est-à-dire l'inverse de l'image construite par ses ennemis, celle d'un mandarin mégalomane et aigri. Pour le pouvoir, il y a les bons intellectuels, les conciliants qui acceptent de défendre le discours de la domination en échange de récompenses symboliques (postes, titres, rénumérations); et puis il y a les mauvais intellectuels, ceux qui "critiquent tout", déconstruisent les faux concepts et mettent à jour les mécanismes de la falsification. Contre ceux-là, on ressort les arguments anti-intellectuels et on fait appel à ce fameux "bon sens" qui sent bon le poujadisme bien de chez nous. Les intellectuels critiques sont bannis de l'université française (et appréciés, pour des raisons locales, sur les campus américains). Bourdieu en fait partie, au même titre que Deleuze, Foucault, ou Baudrillard.

jeudi 13 novembre

Vu à la télé : Space cowboys, de Clint Eastwood (grand film fordien). Malgré sa filmographie impeccable, on commence seulement à reconnaître au vieux Clint la place qui lui revient dans sa catégorie en voie d'extinction (c'est ce qui fait sa grandeur). Godard a aidé à la reconnaissance du cinéaste en déclarant vers le début des eighties - à Cannes, où il était venu défendre son dernier film déceptif/foireux - que le plus grand cinéaste américain vivant était Clint Eastwood. Les critiques des Cahiers et de Télérama ont alors envisagé ses films d'un autre oeil. Et ils ont dû se rendre à l'évidence : ce type était l'un des derniers grand classiques, probablement le plus grand encore en activité (ceci n'a fait que se confirmer depuis).

vendredi 14 novembre

C'est un peu chargé cette semaine, je trouve. Et je n'ai rien de nouveau à écouter. Hey, Dgee ! C'est quoi ta playlist pour l'hiver ?

samedi 15 novembre

Nous ne voulions rien avoir à faire avec la hype et Th a longtemps souffert de notre intransigeance.Things have changed. J'apprécie la façon dont Thierry s'est réconcilié avec le GFIV : cash, et sans ressentiment. Et je le soutiens dans ce moment difficile où il voit la hype le dépasser et se retrouver, pour de bon, en plein spectacle.

dimanche 16 novembre

Hier, je faisais ma revue de presse chez le marchand de journaux de mon centre commercial. Les Inrocks, Rock et Folk, Juke Box, Crossroads, tous ces canards sont dans le même secteur que la presse dérivée Starac and so on. J'étais donc au milieu d'un petit groupe de teens parcourant avidement les images de leurs stars. Je sentais leur excitation, l'appât du glam, le rêve d'évasion dans les paillettes, l'identification. "Waou ! J'ai une photo de moi où j'ai la même coiffure!"

lundi 17 novembre

Un aveu difficile : j'étais devant mon poste quand le chanteur avec des percings dans les sourcils (je ne me souviens pas de tous les noms) a quitté la Starac. Je l'étais également lorsque les intermittents ont envahi le plateau. Mon excuse ? Je suis là pour aider un djeun à instaurer une distance critique.

mardi 18 novembre

Aujourd'hui : rien (mon joker pour les matins un peu plombés).

mercredi 19 novembre

C'est bon, les gars, perdez pas votre temps avec nous. On est pas des VRAIS terroristes. On bricole juste dans le symbolique (à la woleugaine).

jeudi 20 novembre

Le flux de la pensée s'interrompt rarement. Nous ne sommes pas souvent installés dans l'instant, aussi contemplatifs qu'une caméra.

vendredi 21 novembre

L' imprimante du GFIV avait un problème. Elle pondait des messages remplis de signes mystérieux. La piste virus s'imposait. Un "trojan" était là, tapi au coeur du système (n'ayant, fort heureusement, contaminé que quatre dossiers). Et comme à chaque fois, la même question : from where ?

samedi 22 novembre

Pour être encore un peu rock n' roll passé un certain age, il faut sacrément l'avoir été quand on était just seventeen. Le rock était tout pour nous. On y mettait tellement de choses que ça en devenait vraiment beau, et intense. A ce stade, on peut dire que c'était de l'art (ou en tout cas, un certain rapport esthétique à la vie).

dimanche 23 novembre

Réaction d'un lecteur (extrait) :

Hier dans "Tracks" sur Arte, Lux Interior, l'impayable chanteur des "Cramps" qui fut et reste encore malgré les ans l'un de mes groupes préférés, déclarait à l'équipe TV qui le questionnait sur la longévité de sa passion et d'une carrière toute entière vécue pour, par et dans le rock (à 50 balais) : "J'ai toujours aimé, recherché et pratiqué cette musique et uniquement cette musique : le rock and roll primal, brutal et jouissif vient du blues; rien d'autre n'est important pour moi. Je me fous du reste et de tout ce qu'on a pu raconter sur le rock and roll depuis le début. Il tire son nom d'une expression des bluesmen qui réclamaient le plaisir et disaient leurs désirs : le sexe, les trucs rapides, les bonnes dopes et vieilles bagnoles aux formes suggestives et c'est tout. Ouais, le rock and roll, c'est une envie de jouir !" Il a bien insisté là-dessus. C'est là que je me suis demandé si en Europe, nous qui étions pour la plupart issus de la petite et moyenne bourgeoisie nés entre 1945 et 1960, qui avions été traversés par les idées révolutionnaires des sixties et des seventies, si nous n'avions pas investi le rock and roll de trop de choses politiques et culturelles qui n'étaient pas du tout présentes chez ses créateurs... ?

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